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  le blog pcf-nimes

Front de Gauche Nîmes

Article de L'Humanité du 09/12/11 : Gaston Crémieux, né à Nîmes le 22 juin 1836, communard et fusillé à Marseille le 30 novembre 1871

Publié le 9 Décembre 2011 par section pcf nimes

    «Les magistrats indépendants que nous sommes acquittent Gaston. » La reconstitution historique n’exclut pas une prise de liberté avec les faits. Au terme de plus de deux heures d’audience, ces quelques mots de Jean-Pierre Deschamps, l’ancien président de la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, dans le rôle du président du tribunal militaire, déclenchent les acclamations du public venu nombreux épauler Gaston Crémieux, avocat et communard, incarné par René Vignaud, avocat et passionné de la Commune. Une Internationale ébranle, comme jamais certainement, la petite salle du tribunal de Marseille.

Vendredi dernier, il ne s’agissait pas de refaire l’histoire mais plutôt de la changer en modifiant le regard porté par le plus grand nombre. Initiative exceptionnelle. Reconstituer, donc, le procès de Gaston Crémieux, l’un des chefs de la Commune de Marseille, jugé par un tribunal militaire, condamné à mort et exécuté le 30 novembre 1871. Le ministère de la Justice a donné le feu vert. La salle où Crémieux a été jugé a ainsi pu être utilisée. Trop petite, certes, pour accueillir les centaines de personnes qui voulaient assister à l’événement. René Vignaud ne pouvait que constater l’engouement suscité par son idée. « Pour réparer une injustice, nous voulions reconstituer son procès, dit-il en préambule. Gaston Crémieux est tombé dans l’oubli. » Dans une lettre à sa veuve, Victor Hugo prédisait que l’avenir referait le procès. En cent quarante ans, ce moment n’était jamais venu. Il est peut-être advenu en ce 2 décembre 2011, en présence, de plus, de deux descendants de Gaston Crémieux. « C’est une histoire qu’on a entendue depuis qu’on était tout petits, mais qui là trouve une résonance », se félicitait l’un d’eux, Alain Crémieux.

Il l’était déjà, peu ordinaire, ce procès en 1871, au cours duquel Gaston Crémieux, nîmois de naissance, arrivé à Marseille en 1862, était le seul à comparaître. Coupable idéal, Crémieux, le juif (cela compta, en cette période pré-dreyfussarde, selon de nombreux spécialistes) surnommé l’« Avocat des pauvres ». C’est bien l’esprit de la Commune de Marseille (lire ci-dessous) que les revanchards versaillais entendaient juger et, surtout, exécuter. « L’utopie assassinée », ainsi que le résumait un colloque organisé deux jours auparavant (lire également ci-dessous). Les chefs d’accusation retenus augurent du jugement du tribunal : « tentative de destruction du gouvernement, commandement de bandes armées en vue d’envahir et de piller des biens appartenant à l’État, arrestation et séquestration de personnes dépositaires de l’autorité publique. » L’avocat général, campé ici (petite entorse aux faits historiques) par une femme, Sylvie Canovas, vice-procureur à Marseille, aggrave les charges (au regard du tribunal). La Commune est une « société secrète, occulte », une « école de la perversité », une « secte communiste » dont la « lutte impie » vise à « détruire les fondements de la République ». « Le drapeau que vous pensiez brandir est un drapeau sanglant », lâche le procureur dans une ultime charge avant de requérir la peine de mort.

Crémieux nie, ne se reconnaît pas dans le portrait dépeint. Il rappelle qu’il a fait enlever les drapeaux rouge et noir qui flottaient sur la préfecture. Qu’il a toujours tenté l’apaisement. Qu’il était sous la pression des radicaux, notamment du trio envoyé par la Commune de Paris. « Comment peut-on croire que mon client adhérait à l’Internationale alors que lors des élections pour le conseil général de juin 1870 il s’est présenté à La Ciotat contre un membre de cette association de travailleurs ? » plaide l’avocat (Sixte Ugolini, ancien bâtonnier, pour cette version 2011). Il ajoute : « Il (Crémieux – NDLR) n’exerçait plus aucun pouvoir. Landeck s’occupait de tout. »

Pourquoi une telle ligne de défense ? Parce qu’elle recoupe en partie sa ligne politique pendant les événements ? Pense-t-il ainsi échapper à la peine de mort ? Toujours est-il que cela ne suffit évidemment pas. Invité par le président à prononcer ces derniers mots avant le jugement, il se montre plus revendicatif : « Mon seul crime c’est d’avoir trop aimé la République. Cette République sociale et fraternelle que l’insurrection se promettait de mettre en place. La Commune révolutionnaire devait proclamer l’ère de la liberté et de l’égalité entre tous les hommes comme lors de la nuit du 4 août 1789 mais, vous, les privilégiés de la fortune, vous avez perdu la mémoire de vos pères qui avaient conjuré aux générations futures de s’unir dans l’amour de la justice et de la liberté. Il fallait réagir et raviver cette mémoire. Voilà, peuple, voilà pour quel crime on me juge. » Dans une résonance contemporaine transparente Vignaud-Crémieux, lance au public : « Indignez-vous ! » Autres temps, autres mots.

 

article Humanit- sur Gaston Cr-mieux

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