Cérémonie pour Gabriel Péri 15.12. 2010
Intervention de Jean-Michel Ruiz
Chers amis, chers camarades,
Nous nous retrouvons aujourd’hui pour rendre hommage à Gabriel Péri,
grand journaliste, dirigeant communiste, député de la circonscription
couvrant entre autre Argenteuil et Bezons. Je tenais à remercier pour leur
présence, Robert Hue, Sénateur du Val d’Oise et Président de la Fondation
Gabriel Péri, Jean-Noël Carpentier, Maire de Montigny les Cormeilles, Lin
Guillou, Secrétaire général du journal « L’Humanité », Mouloud Bousselat,
Président du groupe communiste à la Mairie d’Argenteuil et Secrétaire de la
section du PCF et Roger Ouvrard, Maire et Conseiller général honoraire
d’Argenteuil
Je tiens à excuser Dominique Lesparre, Maire de Bezons et Vice-président
du Conseil général, Marie-José Cayzac, Conseillère régionale d’Ile de
France et Jacky Leser, Maire et Conseiller général honoraire de Bezons.
Je vais comme chaque année rappeler qui était Gabriel Péri. En effet, je
pense qu’il est nécessaire de retracer le parcours de ce militant, cet élu, cet
intellectuel, qui fait parti de ceux qui ont donné au Parti communiste ses
lettres de noblesse.
Gabriel Péri est né en 1902 à Toulon, dans une famille Corse. Son
engagement en politique est précoce. En 1917, à 15 ans, il adhère aux
jeunesses socialistes et en 1920, alors qu’il n’a que 18 ans, sa situation
familiale l’oblige à abandonner ses études après le baccalauréat.
Dès lors, outre son activité professionnelle dans une entreprise de
navigation, il se consacre entièrement à l’activité politique. Il collabore à
diverses publications en particulier à la revue « Clarté », fondée par Henri
Barbusse et Paul Vaillant-Couturier.
En 1924, le jeune homme de 22 ans devient ainsi le chef du service politique
étrangère du journal l’Humanité, fonction qu’il exercera jusqu’au 25 août
1939. Parlant de Marcel Cachin et de Paul Vaillant Couturier, il dira
« C’est d’eux que j’ai appris à concevoir mon métier de journaliste comme un
enseignement ».
Candidat communiste aux élections de 1932 sur la circonscription à laquelle
appartenaient Argenteuil et Bezons, il bat le vicomte de Fels et devient le
député des ouvriers, des salariés, des classes moyennes et de ceux qui
prépareront avec lui le Front populaire dans la région d'Argenteuil. Il sera
réélu en 1936
Son élégance vestimentaire et intellectuelle, loin d'être un handicap, lui
permettra très rapidement d'être accepté et aimé de la population.
Il sera vite reconnu comme celui dont la large pensée vive et tolérante guide
l'action la plus indéfectible au service des plus démunis.
Gabriel Péri s’imposa très vite comme un parlementaire parmi les plus
compétents dans le domaine des relations internationales et diplomatiques.
Au sein du Parti communiste et à la rédaction de l’Humanité, ses rapports
avec beaucoup des autres dirigeants communistes furent souvent orageux.
En effet, élu une première fois en 1924 au Comité central, il est évincé lors
du congrès de 1929 qui consacrait la tactique « classe contre classe ». Il
réintégrera le Comité central en 1932. Intellectuel, il précisera d’ailleurs
concernant son adhésion :
« Elle est d’origine intellectuelle, cérébrale peut-être, mais somme toute
l’expérience a démontré que les adhésions de ce genre ne sont pas de
qualité inférieure et de fidélité moins sûre ».
Péri jouissait d’un prestige considérable au sein du Parti, parmi les militantes
et militants, aussi bien qu’à l’extérieur, en raison de ses brûlantes convictions
antifascistes.
Il fut l’accusateur de l’Italie Mussolinienne lors de l’agression contre l’Ethiopie
et prit la défense de la république espagnole en dénonçant avec force la
politique de non intervention prônée par Léon Blum et les socialistes.
Ces paroles frappent forts quand on connaît les suites de cet épisode: « Qu’il
ne soit pas dit, dans un monde où la Paix et la liberté sont des biens
indivisibles, que la France a préféré faire fléchir le droit plutôt que d’apporter,
dans l’intérêt même de sa propre sécurité, sa collaboration à la sauvegarde
d’un peuple ami, à la défense d’une démocratie courageuse, au salut de la
grande paix humaine».
C’est toujours sa clairvoyance et son anti-fascisme qui lui feront dire à
l’Assemblée nationale le 5 octobre 1938 à propos des accords de Munich :
« Après Munich et le tribut payé au chantage à la guerre, la paix est-elle
mieux garantie? Les communistes ne le pensent pas. Jusqu'au diktat de
Munich, on pouvait croire que la barrière tchécoslovaque, gardant la route
des Balkans, protégerait aussi, le cas échéant, des poitrines françaises.
Cette barrière a été renversée : vous avez détruit en même temps la
confiance des peuples dans la France ; vous avez démontré au monde qu'il
était dangereux d'être l'ami de la France...
C'était, dit-on, la capitulation ou la guerre. Je n'accepte pas ce dilemme.
Les violents ont hésité quand s'est soudé le front des démocraties et ils ont
repris courage quand ils ont vu M. Chamberlain se précipiter au-devant de
M. Hitler; ils ont alors compris que vos mesures militaires n'étaient autres
que la couverture d'une reddition déjà décidée.
Les forces de guerre l'ont emporté quand vous avez choisi de vous rendre à
Munich ».
Gabriel Péri accueillit ensuite avec tiédeur le pacte germano-soviétique, ce
qui entraîna de nouvelles tensions avec certains dirigeants du Parti.
En revanche, il se réjouira, fin avril 1941, lorsque la politique d’union contre
le nazisme qu’il appelait de ses voeux, commença à prendre forme. Mais il
est arrêté sur dénonciation le 18 mai de la même année et fusillé le 15
décembre au Mont Valérien.
Transcendé par les poésies d’Aragon et Eluard, il devient à la libération un
mythe de la résistance à l’occupant, un héros dont le nom est donné à des
centaines de rues et de places à travers la France.
En tant que député, il est toujours resté vigilant face aux injustices. Ainsi, lors
de « l'affaire Freinet » de St-Paul de Vence en 1933, qui voit la droite et
l'extrême-droite maurassienne locale, puis nationale, s'en prendre
violemment à « l'instituteur communiste Freinet»... le Parti prend sa défense,
avec le député Gabriel Péri qui intervient à la chambre des députés, puis en
audience auprès de De Monzie, le ministre de l'Éducation Nationale de
l’époque. Il ne peut pourtant pas empêcher le déplacement d'office de
Freinet.
Ce parcours militant est toujours d’actualité dans une période où la droite au
pouvoir, s’attaque de plein fouet à tous les acquis du Front populaire et de la
libération.
Sarkozy a beau revisiter l’histoire, se présenter sans sourire comme un
héritier du Général De Gaulle, ce ne sont pas ses gesticulations qui nous
feront oublier quel est son camp, celui de l’argent, des puissants, au
détriment des salariés, de ceux qui souffrent.
Le camp de Sarkozy est celui des patrons qui méprisent les syndicalistes. Le
notre est celui de Jean Catelas, syndicaliste cheminot et député, qui
partagea un temps sa cellule avec Gabriel Péri. Jean Catelas, arrêté par la
police de Vichy, torturé, condamné à mort et assassiné le 24 septembre
1941.
Le camp de Sarkozy est celui qui caricature la jeunesse qui lutte contre la
contre-réforme des retraites, qui ne voit chez ces jeunes que des écervelés
manipulés.
Notre camp est celui Guy Moquet, tué à 17 ans parce qu’il était communiste.
Le Président de la République peut honorer le 11 novembre les étudiants et
lycéens qui ont défilé le 11 novembre 1940, il doit savoir que de nombreux
jeunes révoltés aujourd’hui en portent le vrai héritage.
Le camp de Sarkozy est celui qui expulse les sans-papiers, qui pourchasse
les Roms, qui permet à Marine Le Pen de stigmatiser les musulmans en
tenant des propos scandaleux. Le notre est celui de Missak Manouchian et
des FTP-MOI, « ces étrangers et nos frères pourtant », qui ont sacrifié leur
vie pour la liberté, pour leur idéal, mais aussi pour la France.
En disant cela, nous ne vivons pas avec le passé mais nous savons que
l’histoire ne doit pas être oubliée ou travestie.
J’en profite donc pour rendre hommage à ceux qui, dans les écoles, les
débats, transmettent la richesse des combats et l’actualité de notre idéal. Je
pense, entre autre, en disant cela à nos amis du comité local de l’Amicale de
Châteaubriant qui se démènent pour que cette histoire ne soit pas oubliée
La commémoration d’octobre 2011 à Châteaubriant sera tournée vers la
jeunesse.
J’appelle tous ceux qui souhaitent contribuer à la réussite de cet événement
à prendre contact avec le comité local d’Argenteuil.
Je laisserai la conclusion de cette cérémonie à Gabriel Péri, dont l’esprit
d’ouverture, le courage, l’engagement dans le combat contre le capitalisme,
pour l’émancipation humaine, restent d’actualité pour tous les militants
communistes. Je citerai donc ses derniers mots, écrits dans sa dernière
lettre bien connus et qui raisonnent dans nos têtes :
« Je suis resté fidèle à l'idéal de ma vie ; que mes compatriotes sachent que
je vais mourir pour que vive la France.
Je fais une derrière fois mon examen de conscience. Il est positif. C'est cela
que je voudrais que vous répétiez autour de vous. J'irais dans la même voie
si j'avais à recommencer ma vie. Je crois toujours en cette nuit que mon cher
Paul Vaillant-Couturier avait raison de dire que le communisme est la
jeunesse du monde et qu'il prépare des lendemains qui chantent. Je vais
préparer tout à l'heure des lendemains qui chantent. Je me sens fort pour
affronter la mort.
Adieu et que vive la France ! »